La face cachée de Yogi Tea

Le thé est souvent perçu comme un élixir de santé, un moyen naturel de se détendre ou d’améliorer son bien-être. Parmi les marques qui exploitent cette image, Yogi Tea s’est rapidement imposée comme une référence mondiale, notamment pour ses infusions à base de plantes aux multiples bienfaits. Bien qu’il soit fréquemment associé à la pratique du yoga Kundalini et à la méditation, Yogi Tea est avant tout un produit commercial.

Fondée par Yogi Bhajan, le créateur du Kundalini Yoga, Yogi Tea s’appuie sur cette connexion pour véhiculer une image de bien-être. 

Cependant, derrière cette façade se cache une face obscure, qui dépasse largement les enjeux marketing et touche à des aspects souvent ignorés et problématiques. 

Décryptons cela ensemble.

Le marketing comme artisan de l’illusion

Yogi Tea se présente comme une marque de thé inspirée de la sagesse de la tradition ayurvédique, et c’est là que se cache le premier piège. En s’appuyant sur des concepts orientaux, comme l’équilibre des énergies ou l’harmonisation du corps et de l’esprit, Yogi Tea exploite des croyances populaires, parfois même ésotériques, pour convaincre les consommateurs que ses produits sont la clé du bien-être.

La marque joue habilement sur cette image en affichant « Ayurvédique » sur ses packagings aux couleurs attrayantes.

Ces allusions à des remèdes ancestraux renforcent l’idée que ces thés sont des remèdes naturels, mais ces affirmations ne reposent sur aucune preuve scientifique solide.

Des thés aux noms évocateurs comme  » Équilibre basique« , « Éclat de la jeunesse » ou bien « Réconfort de la gorge » ou encore « Défenses naturelles » suggèrent des bienfaits médicinaux, sans validation scientifique derrière.

Le Marketing genré des produits bien-être : manipulation des besoins féminins

Le marché du bien-être connaît une croissance exponentielle, particulièrement en ce qui concerne les produits destinés aux femmes. Derrière la promesse de répondre à des besoins dits « uniques« , ces produits exploitent les peurs, les insécurités et les attentes sociales. 
Parmi ces pratiques marketing, certains thés de la marque Yogi Tea mettent en lumière les dérives de cette industrie.

Prenons l’exemple du thé « équilibre féminin »

Avec son emballage pastel et sa promesse d’équilibre hormonal, ce produit cible une instabilité supposée propre aux femmes.
Le concept vague d’équilibre féminin sous-entend que le corps des femmes serait naturellement déréglé, nécessitant une intervention constante.
Ce discours, qui s’appuie sur des préoccupations légitimes comme les cycles menstruels, propose une solution simpliste et standardisée : buvez du thé !!

Cependant, aucune infusion, aussi bien composée soit-elle, ne peut prétendre équilibrer des hormones ou résoudre des problèmes de santé complexes.
Ce produit peut détourner les consommatrices de démarches médicales adaptées, leur faisant croire qu’un simple thé suffit.


En jouant sur des stéréotypes genrés, le thé équilibre féminin perpétue l’idée que les femmes doivent constamment surveiller et intervenir sur leur corps pour le réajuster,alimentant ainsi une industrie prospérant sur leurs insécurités.


Produit 2 : Le thé « énergie féminine »

Nous, les femmes, sommes toujours fatiguées, drôle de cliché…

Le thé Energie Féminine repose sur une approche marketing similaire.

Promettant un regain de vitalité, il cible spécifiquement les femmes, en exploitant un besoin prétendument féminin de dynamisme.

L’idée d’énergie féminine n’a aucune base scientifique et relève d’une construction marketing.

Ce thé, constitué d’extraits naturels, se présente comme une solution facile pour pallier la fatigue, mais il ne traite pas les causes réelles du mal-être : stress, surmenage, ou mauvaise hygiène de vie.

De plus, ce type de produit renforce une injonction implicite, celle de devoir constamment performer.

Les femmes sont encouragées à consommer pour pallier des baisses d’énergie passagère, sans jamais remettre en question les causes profondes de leur fatigue.

Produit 3 : Le thé « Femme »

Le thé femme porte bien son nom, et en prime, il s’accompagne de la mention “ l’infusion pour ceux qui croient au bien. » 

Voilà un grand mystère, ce produit ne promet ni équilibre hormonal, ni regain d’énergie.
Il se contente de suggérer que, simplement, être une femme justifie l’achat de ce thé.

Si tu es une femme, bois ce thé !!

En l’achetant, on adhère à un concept abstrait de féminité qui est essentiellement vide de sens.
Cette approche n’a rien de concret, il s’agit simplement de jouer sur le genre, sur une idée floue de ce que signifie être une femme, pour vendre un produit.

La mention « pour ceux qui croient au bien » se place ici dans un registre presque mystique.


Ce type de marketing n’invite pas à réfléchir mais à consommer.
Il exacerbe l’idée que la féminité doit être “ soignée » avec des produits spécifiques, sans jamais remettre en question les véritables besoins des femmes.

Ces trois exemples :

Équilibre Féminin, Énergie Féminine, et Femme, illustrent parfaitement comment les marques créent des besoins artificiels pour vendre leurs produits. En usant d’un langage pseudo-scientifique et en renforçant des stéréotypes genrés, elles positionnent les femmes comme des consommatrices vulnérables, prêtes à acheter des solutions pour corriger des états supposés « imparfaits ».

Des ingrédients pas toujours si naturels


Yogi Tea se positionne comme une marque de thés biologiques, sans arômes ni conservateurs artificiels. Selon leurs déclarations officielles, leurs infusions sont composées à 100 % d’ingrédients issus de l’agriculture biologique et ne contiennent aucun additif artificiel.

Toutefois, des critiques émergent concernant la véracité de ces affirmations. 

Par exemple, une analyse indépendante a révélé que certaines infusions de plantes biologiques contiennent des traces de pesticides, malgré les certifications biologiques. 
Cela soulève des questions sur l’efficacité des contrôles de qualité dans la production de ces thés et la fiabilité des labels biologiques, qui ne garantissent pas toujours l’absence totale de contaminants.

Les étiquettes : une légère tromperie

Bien que les produits Yogi Tea sont souvent étiquetés comme étant biologiques, certains consommateurs s’interrogent sur la qualité de leur production. 

En effet, Yogi Tea est produit à grande échelle, avec plus de 500 millions de sachets fabriqués chaque année, ce qui soulève des questions sur la durabilité et l’éthique de la fabrication.

La marque, distribuée mondialement, fait partie des premiers thés du marché du bien-être, témoignant ainsi de sa production de masse. Le label biologique ne signifie pas nécessairement que les pratiques agricoles respectent des normes strictes de durabilité, et certains ingrédients pourraient provenir de cultures intensives, loin de l’idéal « bien-être » que la marque semble promouvoir.

Ce contraste est encore plus flagrant lorsqu’on considère les messages inspirants présents sur chaque sachet de thé, qui encouragent à la méditation, à la relaxation et à la pleine conscience. 

Ces citations, bien que séduisantes, cachent une contradiction alors que Yogi Tea prône l’harmonie et le bien-être à travers des produits naturels, sa production de masse soulève des préoccupations sur l’impact environnemental et la durabilité réelle de ses pratiques agricoles.

En d’autres termes, les sages conseils inscrits sur les sachets semblent en décalage avec l’échelle industrielle de la marque et ses méthodes de fabrication.


L’exploitation des étudiants de Yogi Bhajan

Une des controverses les plus importantes entourant Yogi Tea concerne son origine. 

Yogi Bhajan, fondateur du mouvement Kundalini Yoga aux États-Unis et promoteur du thé, a utilisé ce produit pour renforcer sa marque spirituelle. Cependant, l’idée et la fabrication initiale de Yogi Tea n’étaient pas les siennes.

Selon plusieurs témoignages, notamment dans des ouvrages tels que Premka; “White Bird in a Golden Cage”, les disciples, souvent engagés dans le mouvement Kundalini, travaillaient bénévolement ou pour des salaires très modestes, motivés par leur foi et leur dévouement.

Une fois que Yogi Tea est devenu un produit rentable, Yogi Bhajan s’est attribué le projet, exploitant les connaissances et le travail de ses étudiants pour en faire une marque commerciale prospère. Les profits n’ont bénéficié qu’à lui et à ses proches associés (empire 3HO), laissant les véritables contributeurs dans l’ombre.

Cette exploitation met en lumière les dynamiques de pouvoir et les abus économiques souvent dénoncés dans les groupes spirituels où un maître charismatique exerce une emprise forte sur ses disciples.

Le risque de l’appropriation culturelle

Yogi Tea fait également un usage intensif de l’imaginaire spirituel et culturel de l’Inde, mais sans véritablement honorer ces traditions. 

En vendant des produits sous prétexte qu’ils sont inspirés de la médecine ayurvédique ou du yoga, la marque profite d’une image d’authenticité qu’elle ne peut pas vraiment justifier. Cela alimente une forme de conspiritualité où des pratiques spirituelles sont déformées et réduites à des produits de consommation.

Où va l’argent ?

Yogi Tea : l’héritage de Yogi Bhajan et la culture du silence

Nous avons exploré dans cet article les nombreux problèmes liés à Yogi Tea, la production de masse, les incohérences entre les messages de la marque et sa réalité, ainsi que les questions concernant la durabilité et la transparence. 

Mais parmi toutes ces critiques, il en existe une bien plus grave, une raison qui devrait nous amener à réfléchir profondément avant de choisir d’acheter ce thé : l’héritage de Yogi Bhajan et le silence assourdissant qui l’entoure.
Lorsque vous achetez un sachet de Yogi Tea, vous ne vous contentez pas d’acheter un produit « bien-être ». 

Vous alimentez directement une structure qui, sous l’égide de 3HO, continue de protéger un prédateur. 

Yogi Bhajan, fondateur de 3HO, a été accusé de violences sexuelles envers de nombreuses victimes, des faits qui ont été dissimulés et minimisés par ses dirigeants pendant des décennies. Et aujourd’hui encore, la direction de 3HO refuse de reconnaître ces violences et de soutenir les victimes.

Ignorer ces faits, c’est perpétuer une culture du silence, où les abus sont relégués à l’ombre, où les voix des victimes sont ignorées au profit du culte de la personnalité et du profit. Acheter ce thé, c’est renforcer un système qui nie les souffrances des victimes et protège les coupables. C’est participer à la perpétuation de l’impunité.

En tant que consommatrices et consommateurs, nous avons le choix : soutenir un héritage de violence et de complicité, ou prendre position contre ce système.

En choisissant d’acheter Yogi Tea, nous devenons complices d’une structure qui continue d’effacer les victimes, de fermer les yeux sur les violences commises, et d’ignorer les appels à la justice. 

Cette responsabilité est la nôtre, refuser de soutenir cette marque, c’est refuser de faire vivre un héritage de violence, de dissimulation et d’impunité.