Natacha Calestrémé, des sciences “aux cultes”

La journaliste “scientifique” Natacha Calestrémé a récemment suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux suite à des propos tenus sur l’endométriose dans une séquence de l’émission “Ca commence aujourd’hui” sur France 2. Le 3 mai, France TV annonce la déprogrammation de l’émission prévue pour le 4 mai.

Mais l’endométriose est elle la seule maladie sur laquelle Natacha Calestrémé tient des propos controversés, pour ne pas dire étranges voire choquants ? Auteure à succès, la journaliste a récemment publié deux ouvrages qui proposent des protocoles “énergétiques” pour se “libérer des émotions douloureuses et se reconnecter à une force intérieure” . Dans ses livres, elle explique comment “s’auto-guérir” de certaines maladies en cherchant les causes “émotionnelles” de ces dernières. Le tout expliqué et validé par des scientifiques et des médecins selon elle.

Tour d’horizon des déclarations d’une journaliste passée des sciences aux cultes.

Les rituels “chamaniques”

Dans son livre La clé de votre énergie aux éditions Albin Michel (p.190), Natacha Calestrémé explique avoir été initiée aux rituels chamaniques avec son mari Stéphane Allix. Egalement journaliste, Stéphane Allix a fondé en 2007 l’institut de recherche sur les expériences extraordinaires (INREES). Institut dans lequel il est possible de retrouver de nombreux intervenants déjà sollicités dans des reportages comme Enquêtes Extraordinaires, série présentée par Stéphane Allix et dirigée par Natacha Calestrémé.

Dans un épisode de la série intitulé “Les guérisseurs“, Stéphane Allix va à la rencontre d’un chaman du nom de Guillermo Arevalo (guérisseur Shipibo et intervenant pour l’INREES). Le chaman, qui propose des rituels, a été mis en cause dans le décès de 3 touristes (dont 2 français) qui avaient ingéré de l’AYAHUASCA, préparation hallucinogène considérée comme stupéfiant en France. Dans le reportage en question, lorsque le chaman prononce le mot “ayahuasca“, la voix off le traduit par “plantes” (time code 52min 27s).

Préparation d’ayahuasca. Extrait de l’épisode “Les guérisseurs” de la série Enquêtes Extraordinaires

Quelques années plus tard, en 2016, l’agence CAPA livrera une toute autre version du business florissant du chaman autour de l’ayahuasca.

De plus en plus d’occidentaux en mal de transe et de transcendance partent au Pérou suivre des stages chamaniques. Les initiés explorent leurs limites en absorbant une décoction d’ayahuasca, une plante hallucinogène, utilisée dans la médecine traditionnelle locale.

Concernant les plantes, Natacha Calestrémé écrit : “En découvrant qu’une communication était également possible avec les plantes enseignantes, ce que les chamanes appellent les plantes maîtresses, j’ai pensé que ma connexion s’était développée sur le plan végétal. Le plus troublant est que cette intuition a commencé à se manifester presque malgré moi, dans mon quotidien” (la clé de votre énergie p.190). Nous précisons toutefois qu’à aucun moment la journaliste recommande la consommation d’ayahuasca dans ses livres. Par ailleurs, dans son livre “Trouver ma place” aux éditions Albin Michel, on retrouve 55 occurrences des mots “rituel chamanique” . Ouvrage qui, selon elle, aurait été prescrit par des médecins à leurs patients. (Source ITW à Sud Radio, à 43min 58s).

Le cancer

L’endométriose n’est pas la seule maladie que Natacha Calestrémé tente d’expliquer par des causes pour le moins…surprenantes. Selon elle, les cancers des enfants auraient un lien avec de grosses épreuves vécues par plusieurs membres (au moins deux) de la famille, bien avant qu’ils naissent. Elle détaille ensuite les causes possibles de différents cancers :

  • Cancer du sangdes os, de la moelle osseuse : il s’agirait d’une épreuve lourde qui touche la structure familiale en se répétant depuis plusieurs générations.
  • Cancer des parties intimesdu système lymphatique : il s’agirait d’une épreuve gardée secrète, une agression, un viol, un inceste.
  • Cancer des reins, des muscles : il s’agirait d’une épreuve en lien avec de grandes peurs (meurtre, violence, enfermement, attentats).
  • Cancer du cerveau, de la rétine : il s’agirait d’une épreuve si horrible à vivre que la personne a voulu mourir ou ne plus voir (massacre, exterminations, suicide).

Elle invite également les parents à mener l’enquête et à dire à leur enfant : “Ta maladie est en lien avec une épreuve de la famille qui ne t’appartient pas. Il est arrivé… (expliquez longuement quoi) à… (donnez son nom). Tu peux t’en libérer maintenant parce que ce n’est pas ton épreuve. Tu n’as pas à porter ça. » avant de finir par : “gardez à l’esprit que l’âme de votre enfant est la seule à décider de son avenir et faites-lui confiance” . (Extraits du livre “trouver ma place” p.158/159).

Une nébuleuse propice aux dérives sectaires

La ligue contre le cancer

Nous avons contacté Jérôme HINFRAY, chargé de communication scientifique auprès la ligue contre le cancer pour recueillir son avis sur ce passage. Il nous déclare que les propos de Natacha Calestrémé sur le cancer sont un “Un salmigondis de choses qui ne reposent sur aucun rationnel et qui associent : « constellation familiale », « nouvelle médecine germanique », « psychogénéalogie » et autres pseudo-thérapies non fondées mais qui peuvent conduire à un retard dans la prise en charge du cancer. Ce genre de propos a déjà été commenté et dénoncé par la Mivilude et des associations comme l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS).
Selon lui, cette pratique exploite des personnes crédules qui risquent de tomber dans des pratiques qui ne relèvent pas de la médecine allopathique. “Ce n’est pas au service publique [NDLR: en référence à France 2] de se faire la caisse de résonnance de genre de pratique. Il a une mission d’information et non de désinformationIl ne doit pas servir de caution médiatique à des choses qui sont infondées” . De plus, “les personnes qui sont confrontées à un risque de cancer héréditaire, je pense notamment au femmes avec des antécédents familiaux particuliers de cancer du sein et de l’ovaire, doivent se tourner vers  les consultations d’oncogénétique qui pourront les prendre en charge, poser un diagnostic et les conseiller sur des mesures de prévention adaptées” conclue-t-il.

Où est la science ?

A travers les interviews et les ouvrages de la journaliste, un nom revient souvent comme caution scientifique de ses pratiques. Philippe Bobola. Titulaire d’un doctorat en physique, Philippe Bobola se présente sur son site comme un animateur coach de formations sur le développement de la créativité par une compréhension du Temps. Site sur lequel il propose une formation de deux ans (facturée 2290€/an) qui inclut différents modules comme par exemple des voyages dans le temps ou encore dans l’élément eau (archive). Une formation où le chamanisme semble tenir une place importante.

Capture du site de Philippe Bobola sur la formation proposéeSource.


Il est également possible de retrouver Philippe Bobola aux côtés de désinformateurs proches de la mouvance Qanon comme Ema Krusi (ICI) ou encore Jean-Jacques Crèvecoeur, Salim Laïbi et Tal Schaller (ICI).

En 2011, le physicien était conseiller scientifique d’une entreprise qui commercialise le PhysioScanSystème de haute technologie quantique (recherche aérospatiale Russe) permettant un scan énergétique du corps d’une remarquable précision et une équilibration par bio-résonance selon le site de l’entreprise (archive). La machine a par ailleurs fait l’objet d’un reportage par nos confrères de France TV (ICI) qui expliquent que les études scientifiques avancées sur le site ne sont pas reconnues. [NDLR : Dans sa nouvelle version, le site ne fait plus mention au physicien]. Voici ICI une attestation de formation de 12 jours sur la physique et la biologie quantique dispensée par Philippe Bobola.

Bien que Natacha Calastrémé fasse régulièrement référence à la science dans ses livres, l’absence de sources documentées posent question. Les affirmations faites sont pour la plupart invérifiables.

L’auto-guérison

Dans ses livres (La clé de votre énergie et Trouver ma place), la journaliste “scientifique” invite à plusieurs reprises ses lecteurs à consulter un médecin en première intention pour arrêter la maladie avec des médicaments. Mais alors que penser des chapitres entiers consacrés à l’auto-guérison ?

Protocole 3, s’auto-guérir. La clé de votre énergie. P.70

En préambule de son chapitre, Natacha Calestrémé déclare : “En poursuivant mon enquête, j’ai constaté que l’on guérissait parfois comme par magie après avoir pris rendez-vous avec un thérapeute, pour la simple et bonne raison qu’on est convaincu qu’il va nous soigner” .

Les témoignages

Dans ses ouvrages, la journaliste relate de nombreuses anecdotes personnelles mais aussi celles d’amis, de connaissances ou de personnes lambda pour affirmer que ces protocoles fonctionnent. Nous avons trouvé des traces de ces témoignages sur son site, dans l’onglet “ils en parlent” (archive). Sans remettre en cause l’authenticité de ces témoignages, la question de leur valeur scientifique se pose toutefois. Quelle valeur peuvent avoir des données déclaratives non mesurées ou reproduites par une méthode scientifique ?

La rédaction a tenté à plusieurs reprises de contacter Natacha Calestrémé et reste encore sans réponse de sa part à ce jour.